UNE PLUME DE FEMME de Marceline Desbordes-Valmore

Préface à “Une plume de femme” de Marceline Desbordes-Valmore

Nous vous proposons trois textes de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859), publiés dans des contextes éditoriaux divers, qui relèvent, formellement, de la poésie en prose.
Le texte Une plume de femme est la préface au recueil de la poète Bouquets et prières paru en 1843. La « plume » est une évocation, une allégorie du JE poétique, trempée d’encre ou de larmes. C’est une prière à Dieu pour une conception artistique sereine, exemptée des sources tristes, des souffrances terrestres et des coups du Sort — qui furent le lot quotidien durant la vie de M. Desbordes-Valmore (ce qui lui a valu le surnom « Notre-Dame-des-Pleurs »).
Le rythme de cette composition adressée à la « plume » est scandé et souligné par les impératifs qui s’affirment comme un programme artistique soumis au principe de Création.

Marceline Desbordes-Valmore Une plume de femme

L’avenir d’une vieille femme paraît pour la première fois en 1849 dans le recueil de contes Les Anges de la famille. « On y retrouve — remarque Marc Bertrand —, plus ou moins discrètement évoqués, un bon nombre de thèmes chers à la poétesse, vœux exaucés ou non : le prisonnier pour lequel grâce est demandée, la fidélité du fiancée souhaitée, la pérennité de l’attitude priante, la hantise de la dispersion familiale, la spontanéité et la noblesse du présent et de l’aumône, la résipiscence trop facile de l’enfant coupable ; le tout couronné par un indéracinable optimisme quasi prophétique. »
On remarquera l’aspect formel de ce récit : le texte cadencé par un refrain — Dis ta prière, bonne vielle… —, le rythme des phrases et l’intensité de l’accentuation, qui font assimiler cet opus à la poésie en prose.

Édith (Le Lord des îles) est un portrait littéraire de l’héroïne du récit en vers de Walter Scott Le Lord des îles (1815), faisant partie du recueil de portraits paru en 1839 (et réédité en 1842) sous le titre Galerie des femmes de Walter Scott, quarante-deux portraits accompagnés chacun d’un portrait littéraire. Marceline Desbordes-Valmore signe six textes de ce ouvrage collectif (à côté d’Alexandre Dumas, entre autres), dont Édith. En lisant Scott, l’auteure met de côté le contexte politico-historique du Lord, cher à l’Écossais célèbre, et se concentre sur la mission amoureuse du personnage principal.
Christine Planté analyse ainsi : « La lecture de Desbordes-Valmore déplace […] cet élément de l’intrigue vers un motif obsédant de son propre univers poétique, celui de l’enfermement d’une femme dans le silence et le secret. Elle constitue ainsi Édith en une sorte de double du je féminin qui parle dans son texte – où il est présent de façon à la fois implicite à travers l’adresse à un vous, et explicite dans les vers finaux cités entre guillemets. Prêtant au personnage sa propre parole lyrique pour dire la grande douleur, gardée secrète, du manque d’amour, Desbordes-Valmore se montre plus inspirée par le sort d’Édith malheureuse et délaissée que par l’heureux dénouement […]. »

Qu’est-ce qu’un poème en prose ? Ce genre littéraire s’est solidifié durant la période du romantisme, dès le début du 19e siècle. Il était une expression du désir de poésie, mais non celle des règles strictes, mais de poésie comme étant une matière à exprimer une sensibilité nouvelle, selon les aspiration créatrices que soufflait le vent de l’époque.
Il est intéressant de rappeler qu’alors, des œuvres poétiques, comme Le Lord des îles de W. Scott, étaient traduites en français en prose qui avait pour ambition de restituer l’âme poétique de l’écrit, qui essayait de reconstruire sa rythmique et de ne pas épouser la linéarité d’une prose « normale ».

Quelles sont les caractéristiques d’un poème en prose ? Texte bref, paragraphes courts, pas de rime, effets sonores et la rythmique affirmée, caractère onirique, emploi des figures de discours s’éloignant d’un récit ordinaire, une mise en page comportant des blancs typographiques pour rappeler l’architecture en strophes d’un poème etc.

Comme œuvre fondatrice du genre est considéré Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand (publié en 1842 à titre posthume) dont le style a inspiré Baudelaire pour ses Petits poèmes en prose (publication, également posthume, en 1869).

Il est certain que Marceline Desbordes-Valmore n’a pas été indifférente à ces nouveautés stylistiques et qui avaient dû l’inspirer pour concevoir les textes publiés dans le présent eBouquin.

L’Éditeur