LES CHIMÈRES de Gérard de Nerval
Préface aux sonnets de Gérard de Nerval “Les Chimères”
Les douze sonnets de Gérard de Nerval Les Chimères furent composés entre 1843 et 1854, en douze ans. La version définitive fut publiée en janvier 1854 — Nerval se trouve alors en asile psychiatrique — à la suite des Filles du feu, recueil de nouvelles auquel Les Chimères sont étroitement liées. Nerval poursuit sa quête de l’idéal féminin qui est inspirée de la rencontre (à 26 ans) avec la comédienne Jenny Colon. Entre rêve et obsession, entre lucidité et folie, le sentiment amoureux devient un outil du mysticisme et de l’ésotérisme, de l’occultisme et de l’alchimie, en les confrontant au christianisme, dans le but de réaliser un syncrétisme religieux.
« N’ayant pu s’attacher à la vie, il se crée des chimères : femmes issues de son imagination, mythes prestigieux auxquels le rêve confère une multiple et changeante existence. » (Jeanine Moulin)
On trouvera les échos de son questionnement dans ces poèmes obscurs, bien qu’écrits dans une langue française simple. Les textes sont livrés sous la forme classique de sonnet, écrits en alexandrins. Travaillés et peaufinés, leur force poétique marque l’histoire de la poésie française par un langage poétique neuf. Dans la dédicace des Filles du feu faite à Alexandre Dumas, Nerval dit :
« Et puisque vous avez eu l’imprudence de citer un des sonnets [El Desdichado] composés dans cet état de rêverie super-naturaliste, comme diraient les Allemands, il faut que vous les entendiez tous. Vous les trouverez à la fin du volume. Ils ne sont guère plus obscurs que la métaphysique d’Hegel ou les Mémorables de Swedenborg, et perdraient de leur charme à être expliqués, si la chose était possible, concédez-moi du moins le mérite de l’expression ; – la dernière folie qui me restera probablement, ce sera de me croire poète : c’est à la critique de m’en guérir. »